Cette pratique, qui consiste à enlever le mauvais oeil, est encore trés répandue dans beaucoup de villages Corses. On y apprend les prières, le rituel, qui se transmet oralement comme le veut la tradition, le soir de la veillée de Noël. Cette tradition existe depuis plus de 3000 ans et perdure depuis. Le même rituel, les mêmes prières. Lorsque les enfants avaient mal à la tête, on accusait le soleil mais le plus souvent on accusait » le mauvais oeil » « l’innuchjatura » ou « gattivu ochju« .

Lorsque, par exemple, une femme s’écriait en voyant un enfant : « quel beau petit ! » si elle oublait d’ajouter « que dieu le bénisse ! » l’enfant était « innuchjatu« , victime du mauvais oeil. Il pouvait avoir mal à la tête et avoir même un accès de fièvre.

Dans ce cas, on faisait appel à une vielle femme qui savait « signer le mauvais oeil » c’est-à-dire conjurer le mal. Voici comment elle opérait.

Pratique ou croyances sur une sorte de magie ou de sorcellerie

La signadora ou l’officiante demande à la personne atteinte du mauvais oeil, d’allumer la mèche « a luminella » qui baigne dans de l’huile d’olive, puis de tenir l’assiette pleine d’eau de ses mains, les paumes tournées vers le ciel. Après 3 prières et signes de croix sur l’assiette, la signadora récite l’incantation. Puis elle prélève l’huile à l’aide de son petit doigt et la jette trois fois dans l’assiette. Les gouttes d’huile dans l’eau, selon leur forme et leur déplacement, sont alors sujets à interprétation.

Des gouttes bien rondes et regroupées, avec une ombre projetée de façon régulière dans le fond de l’assiette par la lumière de la mèche allumée, indiquent que la personne n’est pas « innuchjatu », victime du mauvais oeil.

L’officiante répètera le même rituel deux fois afin de mettre au jour, une oeil vieux ou vicieux qui aurait pu se cacher lors de la première incantation. Si l’ochju n’est pas enlevé lors de cette dernière incantation, l’officiante pourra répéter le rituel cinq ou sept fois.

Lorsque d’autres signadora sont disponibles, la tradition préfère que l’on change d’incantation et de signadora.

Le rituel respecte une règle importante, le nombre d’assiettes doit toujours être impair. Pour celà, on consultera trois signadora différentes, chacune signera trois fois ou cinq fois.

 

Ochju

 

A l’issu de chaque rituel les sagnadora sont généralement trés fatiguées car elles prenent en elles tous le mal des personnes. Quelquefois, celui ou celle qui se fait signer se sent mal lorsque l’ochju résiste aux prières.

Parfois,  l’assiette, l’eau, « A luminella » et l’huile, même s’ils constituent les ingrédients de base de « l’ochju« , ne sont pas indispensables à sa pratique. Le fait d’apposer les mains sur la tête de celui ou celle auquel a été transmis le mauvais oeil et la traditionnelle prière, répétée plusieurs à plusieurs reprises, suffisent bien des fois à éloigner le mal. 

« L’ochju » s’ordonne parfois aussi, hors la présence de « l’innuchjatu » (victime du mauvais oeil), à condition de fournir à celle qui se signe et prie, (in petto), un effet vestimentaire qui était porté par le souffrant. Et comme dans le cas ennoncé plus haut, trois séances seront nécessaires pour soulager de « l’ochju » celui qui en est atteint.

Pratique superstisieuse dont l’origine est mal définie, mais qui paradoxalement s’enseigne la nuit de Noël, « l’ochju » mêle profane et sacré dans une Corse profondément pieuse qui ne s’est pas encore défaite, et c’est heureux, de ses racines ancestrales.

C’est le sentiment qui vous submerge à l’issue d’une telle séance d’initiation.